samedi 26 septembre 2015

Je t'écris depuis ma terre...

Je ne suis pas couchée encore et pourtant il est tard.
Demain c'est l'anniversaire du Chili et je suis contente d'y être invitée.

Ce voyage a été très particulier, très surprenant et émouvant.
Je me suis retrouvée au milieu de Santiago parmi la foule à vouloir rentrer à Paris car je me suis senti accueillie par l'agressivité, l'individualisme et l'indifférence de la foule de cette capitale trop sauvage à mon gout.

Mais ... j'ai repris ma respiration et je me suis battue contre ce sentiment.

J'ai eu envie de pleurer tellement de fois, dans un taxi, dans le métro, dans les bras de mes tantes et cousins, dans la rue et dans un ascenseur.
Ce pays est émouvant, les gens sont touchant et attachants, les vies sont humbles et en même temps extraordinaires. Je me surprends à aimer tout: les paysages, la boue, le vent, la mer, les étoiles que l'on voit si bien la nuit tombée.
Je pleurs au fond de moi ce temps qui est passé et qui m'a privé de ma patrie.
Je pleure au fond de moi ces années d'absences et ces souvenirs effacés qui ne reviennent pas.
Je pleurs ce temps qui m'a volé une histoire; celle d'une chilienne ordinaire.
Et je sais que je suis qui je suis parce que j'ai un autre temps dans un autre lieu.

Je me sais différente et j'embrasse cette différence avec tout l’air qui s’engouffre dans mes poumons et je me bats pour que l'on voit en moi qui je suis réellement, sans peur et sans crainte, assumant parfaitement ma double identité.
Je regarde cette cordillère qui me suis où que j'aille dans ce pays si long, et je n'ai aucune honte de lui dire que je l'ai quitté, mais que je suis là à nouveau.
Je la vois, elle est magnifique, comme toujours, calme, intense. Je sais que je suis là où je dois être tant que je la regarde.

Je suis bouleversé de toutes ces choses, de ce peuple qui me ressemble tellement, de mes racines si présente, de mon passé si proche, de cette langue que je parle depuis toujours et qui ne m'a jamais quitté. Je sais que ce n'est pas parfait, je sais que c'est même très compliqué et difficile, mais j'ai envie de vivre ici, j'ai envie d'entendre les Eucalyptus qui chantent quand le vent souffle, et leurs parfum se réprend le long des plages et des collines. J'ai envie de voir la cordillère des Andes devenir rose au coucher du soleil, un spectacle gratuit à vie et qui à lieu tous les jours. J'ai envie de voir la beauté du Sud, avec ses prairies fraîches et vertes, ses ciels limpides, ses vaches et moutons parsemés dans un vert humide, ces paysans aux visages ridés et l'accent rigide.
Je veux une place dans ce décor magnifique, dans ce spectacle glorieux je veux un rôle.

J'ai besoin de respirer cet air, de boire cet eau, j'ai besoin de manger ce pain et de parler cette langue, j'ai besoin du Chili.

Voilà ce que je peux te dire de mon voyage, c'est un tableau plus beau que toutes les toiles de Monet, plus pur que les mots de Proust et je le vis à chaque pas ici.
Je suis dans une œuvre d'art grandeur nature, car je suis amoureuse de cette terre, j'ai une passion énorme pour ce pays et je ne peux m'en défaire. C'est mon choix définitif.

Je suis connectée à tout ce qu'il y a de plus laid et de plus beau au Chili, et je trouve que c'est éblouissant de sentir autant la vie, la puissance de la vie, la force de chaque chose que m'entoure, comme si cela avait lieu autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de moi. Je sens que mon passé y est inscrits, que mon futur me cherche et mon présent m'accompagne volontiers.
J'observe silencieuse et je vois ma vie se dessiner ici, je suis comme un cerf-volant qui prend son envol mais qui reste toujours attaché à son fils. Je me laisse porter.

Maria Carolina Cortes.